Jean, c'était notre voisin de potager. Un vieux monsieur, entrepreneur à la retraite, qui venait passer ses loisirs au milieu de ses fruits et légumes, l'esprit bien ancré dans la terre.
Il n'habitait pas là, mais il était le propriétaire de deux terrains limitrophes à notre parcelle, et sur l'un de ceux-ci, il cultivait un vaste potager. En toute saison, il y venait cultiver des poireaux, oignons, échalotes, salades, tomates (je me souviens encore d'une tomate "russe", qu'il nous avait donné... je n'en avais jamais vue d'aussi grosse, énorme, pesant plus de 800gr!), mais aussi fenouil, cucurbitacées diverses (courgettes, melons, potirons...), haricots verts, céleris... Parfois dans des quantités allant au delà du bon sens, mais le plaisir de jardiner ne se préoccupait pas de ce genre de considérations.
Jean était le "copain" jardinier de mon mari. Ils discutaient ensemble jardinage, techniques de pousse, dates de plantations. Ils comparaient aussi l'avancement de leur cultures, s'avertissaient mutuellement en cas d'attaque de doryphores et se donnaient à l'un et à l'autre les excès de telle ou telle de leurs cultures.
Mais Jean nous a quittés, un froid après midi de mars dernier. Il n'en pouvait plus de cet hiver qui durait, qui le privait de son jardin, dans lequel il n'y avait rien à faire tant que les frimas ne se seraient pas calmés. Ce jour là il faisait beau, mais bien frais. Vers 17h, Jean est arrivé, avec sa vieille voiture, sa blouse bleue et son chapeau noir en plastique, et a décidé de tailler un arbuste, pour passer le temps. Du moins c'est ce que l'on suppose. Quand les voisins de l'entreprise toute proche l'ont découvert, à 17h30, il était allongé dans l'herbe fraiche, les lames de sa cisaille toujours ancrées dans la branche qui lui avait résisté. Les pompiers sont venus, on essayé de le ranimer, mais sans succès. Moi et mon mari sommes restés dehors dans le froid jusqu'à leur départ.
Terriblement ému, mon mari m'a rappelé que quelques temps plus tôt, il avait confié à Jean nos projets de départ pour les Hautes-Pyrénées. Le brave homme s'était exclamé, paraît-il "Ha! Mais vous allez pas me faire ça, Alain, qu'est ce que je vais devenir, moi, si je n'ai plus personne avec qui discuter quand je suis dans mon jardin !". Cela avait la forme d'une plaisanterie. Elle a tourné court.
Aujourd'hui, à l'endroit où la mort est venue le cueillir, pousse une des plus hautes roses trémières qu'il m'ait été donné de voir.
Le jardin revient à la vie sauvage, tourne à la friche... La vigne envahit les grillages, rampe vers le jardin, les salades et les poireaux sont en fleur, et c'est le paradis des mauvaises herbes...
Ce matin, prise d'une inspiration subite, je suis allée là bas, armée d'une faucille, histoire de défricher un peu, dégager au moins l'allée... Et sous les feuillages entrecroisés, j'ai trouvé ce qu'on apercevait à peine depuis l'autre coté du grillage...
Au milieu de ce fouillis végétal, quelques petits miracles: des fraisiers ont survécus et des tomates cerises se sont semées toutes seules et commencent à donner. Et qui sait quoi d'autre encore?
Au milieu de ce fouillis végétal, quelques petits miracles: des fraisiers ont survécus et des tomates cerises se sont semées toutes seules et commencent à donner. Et qui sait quoi d'autre encore?
La vie continue.
Les fraises, la rose trémière, c'est un peu de ce vieux monsieur qui reste avec nous, un peu de sa sympathie, de sa bonne humeur. Alors autant lui rendre hommage.
Les fraises, la rose trémière, c'est un peu de ce vieux monsieur qui reste avec nous, un peu de sa sympathie, de sa bonne humeur. Alors autant lui rendre hommage.
Je n'avais pas le chance de connaitre votre monsieur Jean mais on sent l'émotion à travers tes mots et les sentiments que vous aviez en commun... c'est un texte terriblement touchant...
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